Portrait de Safi

Référent jeunesse de la MJC L’Essentiel-le – Quartier Les Grésilles – Dijon

À écouter Safi raconter son parcours, on comprend vite qu’il fait partie des figures profondément ancrées dans le quartier des Grésilles. Arrivé dans les années 1990 comme salarié de la Ville de Dijon au CCAS, il débute dans une mission claire : aller vers les jeunes qui ne fréquentaient aucune structure. Ni le centre social, ni la MJC, juste les halls d’immeubles et l’espace public. C’est là que tout commence pour lui.
Son premier terrain, c’est une immense barre d’immeubles devenue mythique dans le quartier : un lieu d’accueil pour les jeunes “non-inscrits”. Safi y travaille au plus près des habitant·es, entre pieds d’immeuble, ateliers créatifs improvisés et même l’occupation d’un appartement transformé en espace d’expression avant sa destruction. Il en parle avec tendresse : « On était dedans, vraiment dedans. »

Puis vient la période des fusions, des changements d’employeurs, des inquiétudes au sein des équipes. Certains collègues vivent mal ces transitions. Safi, lui, avance avec pragmatisme. Il reste salarié de la Ville de Dijon mais détaché à la MJC l’Essentiel-le où il trouve peu à peu sa place dans l’équipe, non sans quelques années de flottement : “Quand tu arrives dans un nouveau cadre, avec son histoire, ses habitudes… tu ne sais pas trop où tu vas.” Aujourd’hui, il est référent jeunesse, acteur à part entière du projet, en lien étroit avec les familles, l’animation de proximité, les pratiques culturelles et le développement social local.
Ce qui l’anime, au fond, n’a jamais changé. Il répond sans détour : “L’humain. Les gens. La vie quotidienne.” Safi connaît le quartier comme peu le connaissent : il a vu grandir des jeunes, aujourd’hui adultes, mariés, parents. Il a vu le paysage urbain se transformer, les barres tomber, les espaces publics se redessiner. Il a vu les dynamiques évoluer, parfois pour le meilleur – des aménagements plus agréables, des projets plus ouverts –, parfois pour le pire. Il évoque les points de deal désormais visibles, la banalisation de certaines violences, la disparition progressive de la vie associative portée par les habitants eux-mêmes. “Il manque quelque chose”, dit-il avec une douceur lucide. Une forme d’élan collectif, de spontanéité, peut-être.

Mais malgré tout, Safi reste là.
Comme un repère.
Comme une présence continue et bienveillante, témoin des cycles du quartier, de ses forces comme de ses fragilités.

Ceux qui le croisent depuis des années l’appellent “Highlander”.
Parce qu’il est toujours là.
Parce qu’il ne vieillit pas vraiment.
Parce qu’il fait partie du paysage, autant que les arbres, les squares et les souvenirs.

Safi, c’est la rivière qui traverse le temps sans bruit.
Une présence stable dans un quartier en mouvement.
Un animateur qui n’a jamais perdu de vue l’essentiel : les gens, tout simplement.

Entretien réalisé le 29 octobre 2025 par Sara Jourdin.